jeudi 15 mai 2025

Les lois morbides de l'association des idées, thèse de doctorat de Madeleine Pelletier

 


Dans cet ouvrage publié en 1904, qui est en fait sa thèse de doctorat, Madeleine Pelletier étudie comment les idées s’enchaînent dans l’esprit, en considérant ce mécanisme comme central pour comprendre le fonctionnement mental. Elle propose de voir les états de conscience comme reliés entre eux par des lois de cause à effet, un peu comme dans les sciences physiques. Ces lois générales d’association des idées servent à expliquer comment une pensée en amène une autre. Elles sont présentées comme très importantes, presque uniques pour expliquer l’activité mentale, et reposent sur l’observation plutôt que sur des idées préconçues. Cependant, Madeleine Pelletier reconnaît que des facteurs physiques, comme des troubles corporels, peuvent aussi influencer les pensées, comme on le voit dans la mélancolie, où des problèmes physiques peuvent faire surgir des souvenirs ou des émotions particulières.

Son étude distingue trois formes principales d’association chez l’individu « normal » (sic) : la forme supérieure, associée à la pensée abstraite et à la création conceptuelle, se caractérise par une direction mentale forte et un haut niveau d’organisation ; la forme moyenne correspond à l’enchaînement quotidien de pensées semi-structurées, où l’association systématique joue un rôle central sans aboutir à une nouveauté conceptuelle ; enfin, la forme inférieure, correspondant à la rêverie, se définit par l’absence d’idée directrice et une intensité égale des éléments de conscience, provoquant un déroulement erratique de la pensée.

Ces distinctions prennent tout leur sens dans l’analyse des troubles mentaux, en particulier dans le cas de la manie, que Madeleine Pelletier décrit non comme une maladie unique, mais comme un ensemble de symptômes présents dans divers troubles. Elle met en contraste la détresse psychique que l’on peut observer de l’extérieur avec le sentiment de bien-être exprimé par le patient maniaque, qui dit se sentir très lucide, plein d’énergie et d’idées, même si son discours est souvent désorganisé, son besoin de sommeil diminué et son comportement agité. Cette agitation, verbale ou physique, est marquée par une impulsivité qui reflète une perte de contrôle moteur et une difficulté à maintenir l’attention, c’est-à-dire à rester concentré sur une seule idée. Le discours du maniaque, bien que souvent difficile à comprendre, n’est pas entièrement sans logique : il reste influencé par la personnalité du sujet et par des formes affaiblies d’organisation mentale. L’auteure affirme que cette abondance de paroles ne vient pas d’un excès d’idées, mais d’un manque de structure mentale claire ; les idées exprimées sont pauvres, souvent répétitives, et manquent de direction. Ainsi, l’incohérence du discours est limitée par les souvenirs du sujet et par les restes d’une organisation mentale.

Cette réflexion s’étend aussi à l’étude des personnes atteintes de déficience intellectuelle, dont la pensée fonctionne à un niveau très bas, proche de la rêverie. Incapables de maintenir une attention soutenue, ils montrent parfois une logique partielle dans leur discours, mais celle-ci est vite interrompue. Leur pensée suit encore les lois générales de l’association des idées, mais de manière moins efficace, alternant entre bribes de cohérence et confusion. Le concept de « tension psychique » permet alors de situer ces individus entre la pensée ordinaire et la pensée maniaque, en montrant qu’ils peuvent produire une certaine organisation mentale, bien que limitée. Pelletier conclut que les lois de l’association des idées continuent de fonctionner même dans les états pathologiques, mais de façon affaiblie, ce qui confirme leur importance dans tous les types de pensée, qu’elle soit normale ou altérée.

Cette exploration trouve un écho dans les premières conceptualisations de la pensée pathologique qui, au tournant du XXe siècle, posaient déjà les bases d’une continuité entre normal et pathologique, en insistant sur les mécanismes associatifs et leur dérégulation. Aujourd’hui, les recherches en neurosciences cognitives montrent que les associations jouent toujours un rôle central dans le fonctionnement de la pensée, qu’elle soit logique ou désorganisée. Les études récentes en imagerie cérébrale confirment qu’il existe un continuum entre une pensée structurée et une pensée confuse, ce qui rejoint les observations cliniques faites dès le début du XXe siècle. Madeleine Pelletier participe à une généalogie intellectuelle qui relie la psychopathologie classique aux sciences cognitives modernes.

En somme, cette thèse propose une réflexion riche sur les mécanismes de l'association des idées, en articulant observations cliniques et théories psychologiques. Toutefois, sa lecture se révèle exigeante, en particulier pour un lecteur peu familier du vocabulaire médical et des concepts psychiatriques.

S..

Lien vers Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81564g/f1.item

jeudi 24 avril 2025

Chez la première femme interne des Asines de la Seine (1ière itw de Madeleine Pelletier)


Article paru dans le quotidien L'Eclair du 10 janvier 1904 (2e édition)

Les victoires du féminisme – Les femmes à l’internat – les deux dernières élues – chez Mlle Pelletier – Comment rester femme – Ce que sera l’émancipation – le féminisme austère

  Est-il assez loin le temps où les quelques hardies pionnières, qui osaient réclamer de l’École de médecine l’enseignement que les hommes y recevaient, se voyaient l’objet des railleries et des sarcasmes ! D’étudiantes au Quartier Latin, on ne connaissait et on ne voulait connaître alors que les belles affranchies qui s’étaient, de bonne heure, préparées à la licence. Aujourd’hui, il y a des femmes médecins, il y a même des femmes internes. L’étudiant a fait place à ce rival de l’autre sexe dans la salle de garde, et l’on y fait bon ménage.

  Il y a trois femmes internes dans les hôpitaux. Il n’y en avait pas encore dans les asiles. La Préfecture de la Seine a surmonté son inexplicable répugnance. Sur onze titulaires sortis au dernier concours, on rencontre deux femmes.

  La première est nommée Mlle Pelletier, la seconde qui la suit de quelques rangs, est Mlle Constanza Pascal, une Roumaine, élégante et jolie, qui est femme et le veut paraître, et qui croirait, disait-elle à un confrère, « faire du masculinisme et non du féminisme », si elle portait des cheveux courts et des jupes garçonnières.

  Le contraste est frappant, pour qui l’observe, à côté de sa rivale en gloire, Mlle Pelletier.

Chez Mlle Pelletier, interne

  Mlle Pelletier nous est connue. Elle a été l’heureuse initiatrice de ce mouvement. Nous l’avons vue, alors qu’elle bataillait contre ce qui restait de préjugés. C’est une petite personne d’aspect viril, dégagée de toute préoccupation à la mièvrerie et à l’élégance, à qui suffit, dans la nuit de ses cheveux, d’un petit chapeau d’homme tout uni ; qui bannit les fanfreluches du corsage et qui, pour être plus agile, se veut, comme Perrette en cotillon simple et souliers plats. Il serait totalement superflu d’épuiser, en sa présence, la confiserie des madrigaux : elle demande à l’esprit qu’elle estime moins de fadeur. Elle est femme à sa façon et ne croit pas supprimer un sexe sur deux parce que, les cheveux courts, elle ne s’attarde pas à l’établissement de son chignon et qu’elle tient pour seyante l’étoffe la plus austère. Comme nous la félicitons sur sa simplicité :

- Être simple, c’est gagner du temps, répond-elle ; nous n’en avons pas à perdre.

  C’est la discussion ouverte sur ce chapitre de la toilette des femmes – celles qui n’en sont pas les esclaves renient-elles leur sexe ?

- Renier leur sexe. Voyons, dit Mlle Pelletier, l’espèce humaine, comme la plupart des espèces animales, comporte deux sexes, et il ne peut venir à personne l’idée de faire qu’il n’y en ait qu’un. La bissexualité est une loi du monde comme la gravitation, et jamais quelqu’un de raisonnable n’a pu rêver d’y rien changer.

  S’ensuit-il que la société doive nécessairement accentuer les différences sexuelles produites par la nature. Est-il indispensable qu’une femme d’aujourd’hui, docteur ès sciences ou en médecine, doive, pour rester femme, porter des robes traînantes ou des corsets trop serrés, marcher à petits pas, ne pas sortir à toutes les heures, exagérer sa faiblesse, minauder en présence des hommes et implorer leur protection contre des dangers illusoires, avoir de fausses pudeurs ou de fausses ignorances ?

  Toute cette psychologie est excusable chez une femme à laquelle les circonstances n’ont pas rendu accessible la haute culture ; mais une femme instruite qui la conserve ne reste pas femme : elle reste bête.

  Si les tendances actuelles ne subissent pas de régression, on peut espérer que la femme de l’avenir, cessant d’être l’instrument de l’homme, deviendra, comme, lui, un individu. Elle entrera alors bravement dans la lutte pour la vie, non comme sexe contre l’autre sexe, mais comme un individu, pour la conservation de son existence et l’élargissement de son activité. 

  Le seul droit qu’elle aura à réclamer ce sera la possibilité de combattre ; la justice lui suffira, elle méprisera la pitié et opposera ses forces à la malveillance.

  Devenue individu, la femme cessera-t-elle pour cela d’être femme ? Je le répète, une telle idée est absurde, il y aura toujours deux sexes et j’ajoute même que les individus de sexe différent pourront d’autant mieux s’aimer qu’ils seront moralement semblables.

  Aujourd’hui nous sommes à une époque de transition : les femmes montrent des velléités d’émancipation, mais les conséquences de cette émancipation leur font peur.

  Elles veulent jouir des droits d’un individu libre, tout en conservant un état mental d’esclave ; c’est une contradiction, l’avenir la résoudra.

Une thèse

  La femme qui raisonne avec cette rudesse, ce sens énergique, s’attaque, d’autre part, aux problèmes les plus ardus. Elle a triomphé avec une thèse sur les Lois morbides de l’association des idées, qui n’a rien de commun avec les Quatre heures de la toilette des dames. Elle est partie de ce principe, que l’homme normal est un être que l’éducation a si compliqué que l’étude en est plus que laborieuse : pour saisir certains de ses ressorts les plus secrets, il faut revenir à l’homme anormal. C’est ainsi qu’elle a poursuivi ses observations dans les asiles d’aliénés : une robe à traîne y eût été superflue.

  Ce n’est pas dans une causerie incidente qu’on peut agiter de si redoutables problèmes, mais, tout de suite, la question nous vient :

- Vos aliénés, mademoiselle, que vous ont-ils montré de si intéressant ?

- Que dans l’association de nos idées, sains d’esprit ou aliénés, le mécanisme est le même, mais qu’il manque aux seconds l’état de conscience. 

Lorsque l’état de conscience est fort, il est capable d’assumer le rôle d’idées directrices et d’influer par là, sur les états de conscience consécutifs. Une suite d’états de conscience forts détermine un raisonnement cohérent, une suite d’idées qui peut se résumer par un résultat tangible, - soit une idée générale, soit une action.

  Chez les affaiblis, les débiles, les maniaques, qui sont des affaiblis temporaires, chaque état de conscience est si faible qu’à peine surgi, il disparait. Tous les éléments sont de même force ou plutôt de même faiblesse, aucun n’est capable d’assumer le rôle d’élément directeur, et l’association devient vague. Comme pour les processus psychiques supérieurs du raisonnement, il s’agit toujours d’associations par ressemblance. Mais ici, les ressemblances sont fugitives et ne peuvent aboutir.

- Un exemple ?

- Un exemple ? Eh bien, tenez, c’est l’aliénée qui me dit : » J’ai vu le bon dieu. » je lui demande « Comment est-il ? » Elle me répond : « Il est beau rouge… Comme le Seigneur… Le cœur de Jésus… Une belle crête de coq… Coco, cocoriko… Ma mère en avait acheté quatre… Il n’y en a plus qu’un de reste… Il avait le fil… Mais je lui ai coupé le filet… » L’association des idées est presque intacte à travers cette incohérence : les images s’enchaînent, mais par contiguïté, par consonance ou ressemblance. Au fond, cette observation prouve ce qu’ont de fondamental les lois de l’association des idées dans le mécanisme de la pensée : quel que soit le mode d’activité psychique, les lois de ressemblance, de contraste, de continuité d’association systématique en sont toujours la base…

Je vais essayer de revenir auprès d’aliénés. Je voudrais être dans l’un des asiles où on les recueille. J’ambitionne Vaucluse pour la durée de mon internat. Où que j’aille, je suis bien certaine que les compagnons que je rencontrerai n’exigeront pas de moi les grâces du costume et les minauderies qui sont passe-temps d’oisives.

  Et de la plus simple façon du monde, la première nommée des internes des asiles nous tendit la main – méprisant l’hommage des galanteries banales- vers les fous qu’elle sait vendre la sagesse.


lundi 21 avril 2025

La doctoresse Madeleine Pelletier par Artiglio (1932)


Article biographique paru dans L'Eveil de la femme du 9 décembre 1932, accompagné d'une photo présente également dans le cahier autobiographique conservé à la BHVP, photo que nous reproduisons ici.

Madeleine Pelletier est à la fois un des noms les plus représentatifs et une des plus pittoresques figures du féminisme contemporain. Qui ne connaît la silhouette énergique, menue et trapue à la fois, son visage aux yeux bruns aigus, vif et gouailleurs, sa voix chaude et mordante, ennemie des périphrases, et pour qui un chat est un chat dans ces fameuses allocutions à la fois si directes, si nourries de savoir, de logique, et si amusantes par leurs boutades - et leurs coups de boutoir fameux. N'est-ce pas elle, lorsque Clemenceau se trouva mal à la Chambre un jour d'excessifs surmenage, qui (rappelant incidemment le mot sarcastique du Tigre sur les indispositions périodiques de la femme lesquelles, d'après lui, l'exposant aux syncopes, faiblesses, etc., la rendait impropre à la vie publique), s'écria en pleine tribune : « Tiens ! Est-ce que Clemenceau a ses règles aujourd'hui ? » Elle dit le mot tout à trac, au milieu du délire de joie des assistants. Elle en a dit bien d'autres, avec son terrible petit sourire - et si on a parfois blagué (la parodie est la rançon des précurseurs) ses cheveux coupés courts sur son veston tailleur, son vert langage et sa libre dialectique, si pour certains timorés elle sent un peu le roussi, ceux qui l’approchent rendent hommage à sa belle vaillance de convaincue – et nos lecteurs savent le clair bon sens de ses raisonnements.
Mais elle a d'autres titres à la reconnaissance des féministes. C'est elle, ne l'oublions pas, qui, bravant l'opinion, voire les huées, inaugura la propagande de la rue (défilés en auto, banderoles, affiches, ventes-réclames, etc.) et fit faire ainsi, de l'avis de tous, le premier pas dans l'air des réalisations effectives à la cause. Ces temps héroïques sont passés, Madeleine Pelletier elle-même adoucit ses ripostes au vitriol des premiers temps de la mêlée. Mais l’assaut fut utile qui nous ouvrit la brèche et c'est pourquoi L’Éveil a tenu dès ses premiers pas à toucher la grande féministe - un des esprits les plus virils, les plus loyaux et les plus libres dont non seulement le féminisme, mais la recherche humaine puisse s'enorgueillir. On sait avec quel dévouement spontané Madeleine Pelletier nous répondit. Sans s'inquiéter ni de parti, ni de personnes, notre programme d'union et de libre examen l’enthousiasmait, elle vint à nous. Nous ne saurions mieux lui dire notre gratitude qu’en nous efforçant de montrer à ceux qui, trop nombreux encore, ne connaissent d'elle qu'une légende éclatante et un peu faussée, son vrai visage de travailleuse intellectuelle, audacieuse, mais soumise à la plus ferme raison, originale par son esprit piquant et sa vision bien personnelle des choses mais de la plus simple, de la plus fine bonne grâce dans son accueil privé.
Née à Paris (dans le 2e arrondissement), Madeleine Pelletier, après de fortes études, alors moins communes qu'aujourd'hui pour une jeune fille, se présenta bravement au concours d'internat de l'Asile d’aliénés de la Seine et, traitée de folle elle-même pour cette ambition, réussit avec le concours de la presse à faire changer la loi. C'est alors que dans le petit appartement du 14e, où elle exerçait la médecine, vint la trouver Caroline Kauffmann, présidente du groupe de Solidarité des femmes. La visiteuse aux cheveux blancs et au manteau extraordinaire extrayait d'une profonde poche - une sonnette fêlée ! Emblème et symbole de la succession qu'elle lui offrait. Ce fut le début de la carrière à proprement parler politique de M. Pelletier qui entre la SFIO, défend à Limoges la motion, acceptée pour la forme, du vote des femmes, et se jette dans l'action dont j'ai parlé plus haut (N.B. Le socialisme lui reprochait alors son féminisme « comme manifestation de classe » ! ) Hervéiste (l’hervéisme alors était l'extrême gauche !) C'est l'heure des célèbres brochures où avec une audace inégalée et tranquille, elle révise les logiques humaines et sociales donnant la chair de poule à toutes les Académies du statu quo.
Et puis, ce fut la guerre. Médecin et écrivain, elle servit par l'article et la science « non la guerre mais l'humanité ». Et dès 1921, elle est entreprend, sans passeport ! Un voyage en Russie soviétique dont elle a donné le récit piquant et instructif dans son livre aussi intéressant de chez Giard : Mon voyage aventureux en Russie communiste. C'était se mettre en no man's land. Le parti le lui fit sentir. Tranquillement elle quitta la SFIO et elle entre à la PUP.

« Les femmes, me dit-elle, doivent s'affilier à un parti pour faire leur fameuse éducation politique sans préjudice du Grand Parti qui les englobe tous : le Féminisme. »
Je ne rappellerai pas au public du Faubourg qu'elle y parle souvent avec le succès que l'on sait. Mais ce que je dirai c'est la surprise - oui, je l'avoue, - d'avoir trouvé dans la célèbre lutteuse cette femme infiniment, délicatement compréhensive, pleine de tact et de tolérance en même temps que de foi dans ses opinions (beaucoup plus larges, d'ailleurs, qu'on ne le croit communément) et dont le programme peut tenir en quatre mots : chercher, comprendre, osez, s'unir.
À cette bonne ouvrière de l'éveil de la femme qu'il me soit permis d'exprimer mon admiration et mon estime.

Artiglio

samedi 5 avril 2025

L'ÂME EXISTE-T-ELLE ? UNE CRITIQUE MATÉRIALISTE DE L’ÂME, par Madeleine Pelletier (brochure de 1924)


Le texte L’Âme existe-t-elle ? constitue une réfutation vigoureuse des conceptions spiritualistes de l’âme, notamment celles portées par Henri Bergson et William James au début du XXe siècle. Écrit en décembre 1924, paru dans La Brochure mensuelle ce texte s’inscrit dans un contexte intellectuel marqué par un retour du spiritualisme après la Première Guerre mondiale, mais aussi par l’émergence de mouvements matérialistes influencés par les avancées scientifiques. L’auteure y défend une position résolument matérialiste, critiquant les fondements logiques, scientifiques et sociaux des thèses spiritualistes.

Madeleine Pelletier, qui est alors membre du Parti Communiste et également franc-maçonne, situe son propos dans un paysage intellectuel marqué par un « revirement » vers le spiritualisme, qu’elle attribue à des causes suspectes, notamment des intérêts de classe. Selon elle, la bourgeoisie, confrontée aux revendications du « quatrième état » (les classes laborieuses), instrumentalise la religion pour maintenir son pouvoir. Ce retour au spiritualisme serait une stratégie politique visant à restaurer des croyances traditionnelles, plutôt qu’une démarche philosophique sincère.

La féministe souligne également le rôle de la peur de la mort dans l’adhésion au spiritualisme. La perspective de l’anéantissement, insupportable pour une « personnalité affirmée », pousse les individus à accepter des preuves fragiles, voire des « jongleries grossières », pour croire en une survie de l’âme. Cette analyse rejoint les critiques marxistes de la religion comme « opium du peuple », tout en y ajoutant une dimension psychologique.

Madeleine Pelletier conteste l’argument de Bergson selon lequel les imperfections des localisations cérébrales invalideraient le matérialisme. Elle cite des cas de patients atteints de lésions cérébrales pour montrer que le cerveau possède une plasticité permettant la création de nouveaux centres neuronaux. Pour elle, ces phénomènes restent strictement matériels : « tous ces phénomènes ont pour théâtre le corps humain et non l’étoile Sirius ». Elle rejette ainsi la distinction bergsonienne entre cerveau (instrument) et âme (essence), qualifiant cette dernière de « pure hypothèse ».

L’auteure défend l’idée que la personnalité émerge des états de conscience et évolue avec le corps. Elle souligne que la mémoire, bien que centrale à l’identité, dépend du cerveau : « Le moi n’est donc pas une entité, c’est un résultat ». Les maladies mentales (folie, démence) sont présentées comme des preuves contre l’âme immatérielle : comment une « âme spirituelle » pourrait-elle être altérée par des lésions corporelles ?

Madeleine Pelletier rejette le libre arbitre, défendu par Bergson comme preuve de l’âme. Elle argue que nos actions sont déterminées par des causes psychologiques ou physiologiques, même lorsque nous croyons agir librement. Par exemple, un choix apparemment libre (se jeter par la fenêtre) est en réalité inhibé par l’instinct de survie ou des motifs rationnels. Cette vision s’inscrit dans une tradition déterministe, proche du matérialisme dialectique (La conscience humaine est façonnée par les conditions matérielles de vie, notamment la position occupée dans les rapports de production, et non l'inverse).

Le spiritisme est dénoncé comme une supercherie exploitant le désir humain d’immortalité. Madeleine Pelletier ridiculise ses pratiques (tables tournantes) et souligne son manque de rigueur scientifique. Elle étend cette critique aux religions traditionnelles, accusées d’entraver le progrès scientifique et de servir des intérêts politiques réactionnaires.

Un texte avant-gardiste :

Médecin, l’auteure insiste sur la dépendance de la pensée et de la personnalité au cerveau, anticipant des questions centrales en neurosciences modernes. Ses exemples de plasticité cérébrale (par exemple des patients réapprenant à marcher malgré des lésions médullaires) préfigurent les travaux sur la neuroplasticité, qui montrent comment le cerveau se réorganise après des traumatismes. Les recherches actuelles sur la conscience, comme celles d’Antonio Damasio ou de Stanislas Dehaene, explorent comment les états subjectifs émergent de processus neuronaux, renforçant l’idée d’un « moi » comme résultat biologique plutôt qu’une entité immatérielle.

Madeleine Pelletier rejette le libre arbitre comme preuve de l’âme, arguant que nos choix sont déterminés par des causes psychologiques ou physiologiques. Ce débat persiste en philosophie de l’esprit et en sciences cognitives. Des expériences comme celles de Benjamin Libet (1980) suggèrent que des processus cérébraux inconscients précèdent les décisions conscientes, remettant en cause l’idée d’un libre arbitre absolu.

On retrouve encore aujourd’hui la dénonciation du spiritisme et des religions comme illusions répondant à un désir d’immortalité, chez des chercheurs en sciences sociales. Pascal Boyer (Et l’homme créa les dieux, 2001) explique les croyances religieuses comme des sous-produits de mécanismes cognitifs évolutifs. Madeleine Pelletier lie le spiritualisme aux intérêts des classes dominantes, une analyse reprise par des théoriciens critiques. Marx voyait la religion comme « l’opium du peuple », détournant les masses des luttes matérielles. Aujourd’hui, des sociologues étudient comment les croyances spirituelles sont instrumentalisées.

L’Âme existe-t-elle ? offre une critique incisive du spiritualisme, ancrée dans une défense militante de la science et du matérialisme. Ce texte est un témoignage des débats intellectuels du début du XXe siècle, marqués par l’affrontement entre tradition religieuse et modernité scientifique. Madeleine Pelletier y incarne une voix rationaliste, refusant de substituer aux incertitudes de la science les « illusions commodes » de l’âme immortelle.

Socialiste, puis communiste, anticléricale et libre penseuse, dès 1906, Madeleine Pelletier, lors de certaines de ses très nombreuses conférences, aborde la question du spiritisme, ou encore du rapport entre « Sciences et religion ». Elle publie en 1910 un ouvrage intitulé Idéologie d’hier - Dieu, la morale, la patrie. En 1928 encore, elle explorera une fois de plus cette thématique de « l’âme » lors d’une de ses interventions publiques.

S..

Lien vers le texte : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k67606m.image

samedi 29 mars 2025


La brochure Le Droit à l’Avortement (première édition en 1913) de Madeleine Pelletier constitue un texte fondateur dans l’histoire des revendications féministes relatives à l’autonomie corporelle des femmes. Par une approche pluridisciplinaire – intégrant des dimensions biologiques, sociales, économiques, juridiques et politiques –, Madeleine Pelletier défend avec vigueur le droit des femmes à disposer librement de leur corps et à choisir d’interrompre une grossesse. Son argumentation s’inscrit en opposition aux normes religieuses, sociales et légales de l’époque, notamment l’article 317 du Code pénal, qui criminalise l’avortement et expose tant les femmes concernées que les praticiens à des sanctions pénales sévères.

Sexualité, reproduction et condition féminine : une analyse critique

Madeleine Pelletier entame sa réflexion par une analyse « bio-sociale » de la sexualité humaine. Elle observe que, bien que l’acte sexuel soit intrinsèquement lié au plaisir, la reproduction demeure une contrainte, particulièrement pour les femmes. Dans les sociétés dites « civilisées » (sic), la dissociation entre sexualité et procréation est marquée, les relations sexuelles dépassant largement les impératifs reproductifs. Cette réalité pose un dilemme spécifique aux femmes, qui, confrontées à une grossesse non désirée, en assument seules les conséquences socio-économiques.

L’auteure dénonce une condition féminine dualiste : dans le cadre marital, la femme est valorisée en tant que mère et éducatrice, tandis qu’en dehors de celui-ci, elle est fréquemment réduite à un objet de désir. Cette dichotomie, selon Madeleine Pelletier, perpétue une morale sexuelle inéquitable, privant les femmes d’autonomie reproductive. Elle souligne toutefois que l’émancipation économique et éducative progressive des femmes leur permet de revendiquer une sexualité libérée de l’obligation maternelle.

Contrôle des naissances et avortement : enjeux de classe et risques sanitaires

Madeleine Pelletier aborde ensuite la question de la restriction volontaire des naissances, une pratique déjà ancrée dans les classes aisées et émergente au sein du prolétariat. Si les premières limitent leur descendance par choix, les secondes y recourent principalement pour des raisons économiques, bien que les méthodes contraceptives disponibles – souvent inefficaces ou dangereuses – compliquent cette démarche.

L’auteure constate que, malgré les efforts de la propagande néo-malthusienne, les grossesses non désirées persistent, conduisant de nombreuses femmes à l’avortement clandestin. Elle décrit des pratiques hétérogènes, allant des interventions médicales illicites aux techniques artisanales à haut risque, et dénonce l’hypocrisie d’un système légal qui, en prohibant l’avortement, aggrave les dangers sanitaires. Elle plaide pour une légalisation encadrée, soulignant qu’un avortement médicalisé est une intervention bénigne, contrairement aux complications liées à sa clandestinité.

Statut du fœtus et autonomie corporelle 

Un aspect central de l’argumentation de Madeleine Pelletier réside dans la distinction nette qu’elle établit entre avortement et infanticide. Elle rejette catégoriquement l’assimilation du fœtus à une personne jouissant de droits, affirmant que la femme possède une souveraineté absolue sur son corps. Cette position, influencée par sa formation médicale, s’oppose aux discours religieux et moraux imposant la maternité comme une fatalité biologique ou une sanction du plaisir sexuel. Pour l’auteure, le critère déterminant de la personnification est la naissance, et non la conception.

La "raison d’État" et l’hypocrisie des élites : une critique socio-politique

Enfin, Madeleine Pelletier réfute l’argument conservateur de la « raison d’État », selon lequel la baisse de la natalité menacerait la puissance nationale. Elle rétorque que la procréation demeure motivée par l’affectivité parentale et que la dépopulation ne constitue pas un péril existentiel. Elle dénonce parallèlement l’hypocrisie des classes dominantes, qui incitent les prolétaires à une forte natalité tout en restreignant leur propre descendance pour préserver leur confort matériel. Pour Madeleine Pelletier, la maîtrise des naissances incarne un progrès civilisationnel, et la France, moins prolifique que ses voisins, en serait un précurseur.

Une postérité intellectuelle et militante

Le texte de Madeleine Pelletier anticipe avec acuité les débats contemporains sur l’avortement, soulignant que son interdiction accroît les risques sans en réduire la prévalence. Son approche, à la croisée du féminisme radical et de l’expertise médicale, reste d’une actualité frappante, alors que le droit à l’avortement est remis en question dans plusieurs pays. Le Droit à l’Avortement ne se contente pas de défendre une pratique médicale : il pose les jalons d’une réflexion sur l’égalité des sexes et la liberté corporelle, des enjeux dont la pertinence persiste plus d’un siècle après sa publication.

S..

samedi 15 mars 2025

Condéfences données par Madeleine Pelletier, année 1906

 En 1906, Madeleine Pelletier donne au moins 26 conférences. Cette augmentation par rapport à 1905 s’accompagne d’un élargissement des lieux d’intervention, mais marque surtout une diversification de ses engagements : la conférence sur le Spiritisme et une autre sur les Sociétés secrètes font écho à sa présence chez les Franc-Maçons, tandis qu’un tiers des conférences porte sur le féminisme. Enfin, dans la deuxième moitié de l’année, en plus du féminisme, le socialisme émerge nettement, dans les lieux, les thèmes et la forme des interventions, avec parfois des conférences en compagnie d’autres aurateurices. La désignation « docteur » prédomine. La dernière conférence de l’année est organisée par « La Solidarité des femmes », petite association féministe à laquelle appartient MP.

Le Radical, 3 janvier 1906 : "La Fraternelle, 45 rue de Saintonge. Conférence par Mme Madeleine Pelletier, docteur interne des hospices d'aliénés".

La Nouvelle Presse, 6 janvier 1906 : « Éducation Mutuelle, 50, rue de Chevreul, Choisy. Dr Madeleine Pelletier : Le gouvernement des savants est-il désirable ? »

Le Radical, 10 janvier 1906 : "Montreuil. Les Soirées ouvrières, 15, rue Arsène-Chéreau. M. le docteur Madeleine Pelletier : Le gouvernement des savants est-il désirable ?".

L'Aurore, 13 janvier 1906, "L’Émancipation, 38, rue de l’Église. M. le docteur Madeleine Pelletier : Le spiritisme". (autre titres dans d'autres journaux même jour : "Le spiritisme : Religion expérimentale".)

La Petite République, 24 janvier 1906, "Enseignement mutuel, 41, rue de la Chapelle. Docteur Madeleine Pelletier : Le gouvernement des savants est-il désirable ?"

Le Radical, 27 janvier 1906, "La Solidarité, 77 avenue d'Italie. Docteur Madeleine Pelletier : Le spiritisme, religion expérimentale".

Le Radical, 8 février 1906, "Le Suffrage des femmes. Réunion demain vendredi, à trois heures après midi, à la mairie du onzième. Conférence de Mme le docteur Madeleine Pelletier : Le Féminisme et les partis politiques".

L'Aurore, 8 février 1906 : "Science et Travail, U. P. de Saint-Ouen, salle de la mairie. Mme le docteur Madeleine Pelletier : Religion et science".

La Nouvelle Presse, 10 février, "Foyer du Peuple, 8, place Boulnois. Docteur Madeleine Pelletier ; Religion et science".

Le Libertaire, 24 février "La Fraternelle, 45, rue de Saintonge, "Lundi 26. Mme Madeleine Pelletier : Le Spiritisme ; une Religion expérimentale"

La Nouvelle presse, 17 mars : "Solidarité, 77 avenue d'Italie. Docteur Madeleine Pelletier : Le spiritisme, religion expérimentale".

Le Radical, 2 avril : "L’Émancipation, 38, rue de l’Église. Mme le docteur Madeleine Pelletier : Le rôle des sociétés secrètes dans la préparation de la Révolution".

La Petite République, 14 avril : "U. P. Zola, 44, rue Planchat. Dr Madeleine Pelletier : Le spiritisme, religion expérimentale"

L'Humanité, 18 avril 1906 : "U. P. du XIVe, 13 rue de la Sablière. Docteur Madeleine Pelletier : Le gouvernement des savants est-il désirable ?"

L'Humanité, 30 mai 1906 : "U. P. du quatorzième, 13, rue de la Sablière. Docteur Madeleine Pelletier : Le rôle de la femme dans la société".

L'Aurore, 2 juin : "L’Éducation Sociale, 7 rue de Trétaigne. Dr Madeleine Pelletier : La femme dans la société".

Le Radical, 8 juin : "La Semaille, 21, rue Boyer. M. le docteur Madeleine Pelletier : Le rôle de la femme dans la société. »

La Petite République, 20 juin : "L’Émancipation 15e, 38 rue de l'Eglise. Docteur Madeleine Pelletier : La femme doit-elle être électeur ?"

La Lanterne, 30 juin : "P. S. (Groupe du IXe). Réunion salle Guillemin, 3, rue Milton. Ordre du jour : "Le vote des femmes", conférence contradictoire par la citoyenne Madeleine Pelletier".

L'Humanité, 5 juillet : "Maison du Peuple, 20, rue Charlemagne. Docteur Madleine Pelletier : L'anthropologie des classes".

Le Libertaire, 8 juillet : "L'Aube Sociale, Université populaire, 4, pass. Davy, au 50, Avenue de St Ouen (XVIIIe). Mardi 10 Dr Madeleine Pelletier : L'Anthropologie des classes".

L'Aurore, 21 juillet : "Fondation Universitaire, 19, rue de Belleville. Docteur Madeleine Pelletier : "L'anthropologie des classes".

Le Radical, 1er aout : "U. P. du quatorzième, 13, rue de la Sablière. M. le docteur Madeleine Pelletier ; L'anthropologie des classes".

La Petite République, 8 aout : "L’Émancipation 15e, 38, rue de l'Eglise. Mme le docteur Madeleine Pelletier : L'anthropologie des classes".

L'Humanité, 25 aout : "U. P. ZOla, 44, rue Planchat. Mme le docteur Madeleine Pelletier : L'anthropologie des classes"

La Petite République, 5 septembre : "L’Émancipation, 38, rue de l'Eglise. Mme le docteur Madeleine Pelletier : L'évolution des partis sous la République".

L'Aurore, 12 septembre, "U. P. du XIVe, 13, rue de la Sablière. Dr Madeleine Pelletier : L'évolution des partis sous la République".

L'Aurore, 25 septembre : "Maison du Peuple (section d'enseignement), 92, rue Clignancourt. Mme le Dr Madeleine Pelletier : La femme contre la famille".

L'Humanité, 27 septembre : "Maison du Peuple, 20, rue Charlemagne. Docteur Madeleine Pelletier : L'évolution des partis sous la République".

L'Humanité, 29 septembre : Dans le cadre du Congrès fédéral du Parti socialiste : "14e section. Ce soir, à neuf heures, 13, rue de la Sablière, conférence publique par le docteur Madeleine Pelletier. Sujet : Cléricalisme et socialisme"

La Petite République, 23 octobre : "Loge "Sutart Mill". Ce soir, à huit heures et demie, causerie au Temple, 12, rue Git le Cœur, par la S... de Madeleine Pelletier, sur "Féminisme et socialisme"

L'Action, 5 décembre "Groupe La Solidarité des Femmes. 12 rue Cit le Cœur, près de la place Saint-Michel, grande réunion publique ; La femme doit voter. Orateurs inscrits : Paul Lafargue ; docteur Madeleine Pelletier ; Paul Vibert ; Caroline Kauffmann; Lhermitte."

lundi 10 mars 2025

"Sur les traces de Madeleine Pelletier", interview de Florence DORRER-SITOLEUX

Vous êtes l'autrice du documentaire « Sur les traces de Madeleine Pelletier ». Comment en êtes vous arrivée à vous intéresser à cette femme extraordinaire ?

J’étais chargée de production, j'accompagnais un projet depuis sa conception jusqu’à sa réalisation. J'ai travaillé sur un certain nombre de documentaires plutôt historiques et puis un jour j'ai découvert Madeleine Pelletier. C’est elle qui m’a donné envie de passer à la réalisation. Le point de départ, c'est une série d'articles dans Télérama à l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, articles qui mettaient en lumières des femmes qui s’y étaient illustrées. Je suis tombée sur une photo de Madeleine Pelletier, et c'est la photo qui m'a d'abord interpellée. Celle où elle est devant un mur de briques avec son chapeau melon. Elle m’a intriguée et j'ai eu envie d'en connaître plus sur elle. J’ai commencé à lire et à récolter tout ce que je trouvais à son propos et de fil en aiguille, l'idée a germé de lui consacrer un documentaire.

Depuis les années 1970, les recherches et les publications sur Madeleine Pelletier ont été nombreuses. Mais il existe peu d'images d'elle. Comment avez-vous résolu cette difficulté ? 

Il y a les publications de Claude Maignien, Charles Sowerwine, Felicia Gordon et bien sûr celles de Christine Bard ainsi que son colloque de 1992. En effet, il existe peu de documents photographiques. Avec mon mari qui a co-réalisé le film, nous sommes donc partis à la recherche d'images des congrès de la SFIO auprès de marchands de cartes postales anciennes. Nous avons retravaillé ces archives pour essayer d'en améliorer la qualité et passé un certain nombre d'heures avec un petit œilleton à scruter des cartes postales et à retrouver une toute petite tête qui était cachée et qui était Madeleine Pelletier. C'était à chaque fois très émouvant. Pour pallier l’absence d’images, il fallait trouver quelque chose. Il se trouve que j’ai une amie de très longue date qui ressemble physiquement à Madeleine Pelletier. Je lui ai fait lire le projet et lui ai demandé si elle voulait être « ma » Madeleine Pelletier. J’ai la chance qu'elle m’ait tout de suite dit oui. Nous avons donc pris le parti de l’évocation.

Le documentaire ne suit pas tout à fait le fil chronologique. Quel est le parti pris ?

En effet, le récit n’est pas chronologique. Son fil conducteur est constitué d’extraits du journal fictif d'Hélène Brion (1882-1962) qui a côtoyé Madeleine Pelletier pendant près de trente ans et qui est la seule à être allée lui rendre visite à l’asile de Perray Vaucluse pendant les 6 derniers mois de sa vie. Ces extraits de pseudo journal font le lien entre les différents thèmes abordés. Ils ponctuent le commentaire en le rendant moins académique et jouent sur un registre plus intime avec un éclairage plus personnel sur les faits et les personnages.

Madeleine Pelletier a été redécouverte par des féministes dans les années 70. Comment réagissent les femmes et les féministes aujourd'hui lors des projections du film ? Se sentent-elles une proximité particulière avec elle ? 

La réaction qui prédomine généralement est celle de se dire « Comment est-il possible qu’une telle personnalité puisse encore être si mal connue ? ». La triste actualité des combats de MP concernant la remise en cause du droit à l’avortement aux États-Unis ou en Pologne - sans parler des 21 pays où l’IVG est totalement interdite - est un sujet qui les fait particulièrement réagir. Lors des débats qui suivent généralement la projection, ce qui fait réagir également est le fait que les copropriétaires de l’immeuble de la rue Monge où MP vécu pendant 17 ans on refusé qu’une plaque y soit apposée. Un collectif féministe a proposé qu’un collage soit organisé sur l’immeuble en question.

Quel est pour vous le trait le plus marquant dans la personnalité ou l'itinéraire de Madeleine Pelletier ?

Son courage, indiscutablement. De par son milieu d’origine extrêmement défavorisé, rien ne prédestinait Madeleine Pelletier à faire de longues études et à devenir médecin. Sa vie entière est une succession de combats, pour elle même et pour les autres. Pour accéder à la profession qu’elle souhaitait, pour entrer en franc-maçonnerie, dans les cercles féministes ou les partis politiques, pour que le droit de vote des femmes et celui à l’avortement soient reconnus. Il en fallait du courage pour clamer haut et fort son adhésion aux thèses malthusianistes tout en pratiquant des avortements. Son absence de concessions et le fait qu’elle refuse obstinément de se comporter selon les normes qu’on cherche à lui imposer lui attirent pas mal d’ennuis et d’ennemis. Il y a quelque chose de l’ordre du schéma répétitif dans la vie de Madeleine Pelletier, une espèce de cercle infernal dont elle n’arrive pas à se sortir. Quels que soient les milieux qu’elle fréquente son ascension est fulgurante, puis très rapidement, sa radicalité lui crée des fortes inimitiés et on cherche à l’exclure.

https://www.facebook.com/SurLesTracesDeMadeleinePelletier/?locale=fr_FR


jeudi 6 mars 2025

Madeleine Pelletier : La science contre les inégalités de genre


Dans son article "La prétendue infériorité psycho-physiologique des femmes" paru dans La Vie normale, revue d’études psychologiques en décembre 1904, Madeleine Pelletier mobilise des arguments scientifiques pour déconstruire les prétendues preuves de l’infériorité des femmes, souvent avancées par les savants de son époque sous couvert d’anthropologie, d’anatomie ou de physiologie. Elle adopte une approche critique et rigoureuse, s’appuyant sur des données empiriques et des raisonnements logiques pour démontrer que ces assertions reposent davantage sur des préjugés sociaux et des biais masculins que sur des faits objectifs. 

Analyse des arguments scientifiques de Madeleine Pelletier

Madeleine Pelletier s’attaque aux interprétations biaisées des différences anatomiques et physiologiques entre les sexes, qui servaient à légitimer l’infériorité féminine. Elle commence par reconnaître certaines différences biologiques, comme la moindre robustesse du squelette et de la musculature des femmes par rapport aux hommes, mais elle relativise immédiatement leur portée. Elle soutient que ces caractéristiques ne traduisent pas une infériorité intellectuelle ou morale, mais reflètent une spécialisation fonctionnelle liée à l’évolution, notamment à la faiblesse musculaire, qu’elle associe paradoxalement à des traits évolutifs supérieurs.

Un de ses arguments centraux concerne la morphologie crânienne. Alors que les anthropologistes de son temps affirmaient que le crâne féminin, par sa forme, se rapprochait de celui des singes – une interprétation visant à inférioriser les femmes – Madeleine Pelletier réfute cette idée avec des observations contraires. Elle note que le crâne féminin présente des caractéristiques plus éloignées du singe que celles du crâne masculin : absence de proéminence de la glabelle, arcades sourcilières planes, et faible développement des crêtes musculaires. Ces traits, qu’elle qualifie de "supérieurs" d’un point de vue phylogénétique, sont pourtant associés à une moindre force physique, ce qui permet à Madeleine Pelletier de dissocier la puissance musculaire de la valeur intellectuelle ou évolutive.

Concernant la capacité crânienne et le poids cérébral, souvent invoqués pour prouver une infériorité intellectuelle féminine (les femmes ayant en moyenne 100 grammes de cerveau en moins que les hommes), Madeleine Pelletier s’appuie sur les travaux de Léonce Manouvrier, un anthropologue non féministe, pour démontrer que cette différence est proportionnelle à la masse corporelle globale, et non spécifique à l’intelligence. Elle argue que le cerveau, outre ses fonctions cognitives, régule l’ensemble des processus physiologiques, et que sa taille varie donc avec celle du corps. Ainsi, la moindre capacité crânienne des femmes ne reflète pas une infériorité mentale, mais une adaptation à une masse organique moindre.

Madeleine Pelletier aborde également les fonctions reproductives féminines, souvent présentées comme un handicap par les antiféministes. Elle admet qu’elles constituent une "gêne", mais relativise leur impact en les comparant aux perturbations causées par la libido masculine, qui détourne les hommes de leurs activités intellectuelles pendant leurs années les plus productives. Ce parallèle met en lumière l’incohérence des arguments antiféministes : si les contraintes biologiques disqualifiaient les femmes, elles devraient également disqualifier les hommes.

Enfin, elle attribue les prétendues infériorités intellectuelles et morales des femmes (manque de volonté, faible sens de l’honneur) à des facteurs sociaux et éducatifs, et non à des causes biologiques. Elle souligne que l’éducation différenciée des sexes – orientée vers l’autonomie et la lutte pour les garçons, et vers la dépendance et la séduction pour les filles – façonne ces différences, invalidant toute conclusion sur une inégalité congénitale.

Exemples d’anthropologues justifiant l’infériorité des femmes à la même époque

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, époque où Madeleine Pelletier écrit, plusieurs anthropologues et médecins ont utilisé des arguments pseudo-scientifiques pour justifier l’infériorité des femmes, souvent en s’appuyant sur des mesures anatomiques ou des théories évolutionnistes mal interprétées. Voici quelques exemples notables :

1. Paul Broca (1824-1880) : Neurochirurgien et anthropologue français, Broca est célèbre pour ses travaux sur le cerveau et la craniométrie. Il affirmait que la moindre capacité crânienne des femmes (mesurée par le volume intérieur du crâne) témoignait d’une infériorité intellectuelle intrinsèque. Bien que ses mesures fussent exactes, son interprétation ignorait les corrélations avec la taille corporelle, un point que Pelletier et Manouvrier ont critiqué. Broca associait également la petitesse du cerveau féminin à une moindre aptitude aux activités complexes, renforçant les stéréotypes de son époque.

2. Gustave Le Bon (1841-1931) : Médecin et anthropologue, Le Bon s’inscrivait dans la lignée des théories évolutionnistes et hiérarchiques. Dans ses écrits, comme L’Homme et les sociétés (1881), il comparait le cerveau des femmes à celui des enfants ou des "races inférieures", arguant que leur petitesse relative et leur moindre développement frontal (siège supposé de la raison) limitaient leurs capacités intellectuelles. Il considérait les femmes comme émotionnelles et inaptes à la pensée abstraite, une vision que Pelletier dénonce comme tendancieuse.

3. Cesare Lombroso (1835-1909) : Criminologue et anthropologue italien, Lombroso appliquait ses théories sur la "dégénérescence" aux femmes. Dans La Femme criminelle et la prostituée (1893), il soutenait que les femmes étaient biologiquement moins évoluées que les hommes, comme en témoignaient leur faible capacité crânienne et leur propension à la passivité ou à la déviance. Il voyait dans les fonctions reproductives un signe d’infériorité, les associant à une animalité primitive, une idée que Pelletier rejette en relativisant leur impact.

Conclusion

Madeleine Pelletier utilise des arguments scientifiques avec une double stratégie : d’une part, elle rectifie les erreurs factuelles des anthropologistes (comme sur la morphologie crânienne ou la capacité cérébrale), s’appuyant sur des observations empiriques et des références comme Manouvrier ; d’autre part, elle démontre que les différences biologiques ne justifient pas une hiérarchie intellectuelle ou morale, plaidant pour une explication socio-culturelle des inégalités. Face à elle, des figures comme Broca, Le Bon ou Lombroso ont illustré la tendance inverse, instrumentalisant la science pour naturaliser l’infériorité des femmes. Cette opposition met en lumière le rôle clé de Madeleine Pelletier dans la déconstruction des mythes pseudo-scientifiques, un combat qu’elle mène avec une rigueur exemplaire pour son époque. Il est regrettable de constater que l'auteure n'a pas mobilisé ces mêmes arguments dans un contexte discursif anticolonial, afin de réfuter la notion d'infériorité des peuples colonisés.

S..

mercredi 5 mars 2025

Madeleine Pelletier au « Club du Faubourg », vue par Bils


La féministe Madeleine Pelletier a donné des centaines de conférences, se confrontant de 1905 jusqu’à sa mort à un large public politisé de Paris et de province. Dans les années 1920-1930, elle s’impose comme une figure majeure du Club du Faubourg, fondé par le militant socialiste puis communiste, Léo Poldès. Elle y intervient 383 fois, devant André Kaminker (361 interventions), seules personnalités à débattre à plus de 300 reprises au « Faubourg », selon Claire Lemercier (Le Club du Faubourg, Tribune libre de Paris 1838-1939). D’après L'Annuaire international des lettres et des arts (1922) qui publie les annonces des associations, le Club du Faubourg a pour but de « commenter en commun à l'aide de controverses courtoises tous les grands événements littéraires, artistiques ou politiques d'actualité.(…) Seule condition : la sincérité. Au Club du Faubourg, chaque samedi prennent la parole, sans distinction de tendance ou d'opinions, des écrivains des deux sexes. »

Ces débats contradictoires qui rencontrent un grand succès dans le tout Paris de gauche, sont principalement animés par des hommes, le capital culturel nécessaire à ce genre d’exercice étant alors difficilement accessible aux femmes. La performance de Madeleine Pelletier en est d’autant plus remarquable, puisant dans sa formation médicale (thèse de médecine, internat en psychiatrie, anthropologie) et dans la multiplicité de ses engagements politiques (féminisme, franc-maçonnerie, socialisme, communisme, libre-pensée, anarchisme…), cette capacité à intervenir sur de nombreux sujets, à faire preuve d’humour et à être perçue comme une conférencière de premier plan, capable à l’occasion de s’imposer physiquement. 

Le Faubourg aurait néanmoins très bien pu devoir se passer d’elle. En effet, elle y intervient une première fois dans la deuxième quinzaine de juillet 1921, sur le thème « sensationnel » de « L’envoûtement : Peut-on tuer à distance ! ». Le débat, présenté par Léo Poldès, confronte les docteurs Jaworski, la doctoresse Madeleine Pelletier, Buisson… » Le mois suivant, la doctoresse, qui a adhéré au tout jeune Parti Communiste l’année précédente, s’embarque dans un incroyable périple à travers l’Europe pour rejoindre la Russie soviétique. Un voyage « aventureux » et plein d’embûches (publié sous forme de livre en 1922), la petite presse militante diffusant dans les semaines qui suivent son départ des informations inquiétantes sur son arrestation en Lituanie. Madeleine Pelletier a en effet dû se résoudre à une traversée européenne clandestine, un visa officiel lui ayant été refusé. La tension entre communistes et anticommunistes est alors à son comble en Europe et les militant.es favorables au nouveau régime russe peuvent payer de leur vie leur passage dans des régions dominées par les « blancs » ou par des régimes nationalistes. La difficulté est bien sûr accrue pour une femme qui voyage seule, sujette à des agressions, ou alors perçue comme suspecte, surtout lorsqu’elle arbore une expression de genre masculine !

Mais en novembre 1921, après avoir séjourné à Moscou, Madeleine Pelletier revient en France et la voilà de nouveau au Club du Faubourg pour un « grand meeting » avec les docteurs Hervé, Vachet et Jaworski » (L’Humanité, 14 novembre 1921).

On ne connaît pas de photographie permettant d’appréhender visuellement les interventions de Madeleine Pelletier au Club du Faubourg. Néanmoins, deux dessinateurs l’ont « croqué » en pleine activité oratoire, dont le dessinateur Bils (Raymond Aynaud :1883-1968), qui fournit la petite presse satirique ou quotidienne depuis la Belle Époque.

Début février 1933, Bils, intervient une première fois au Club sur le thème « La Caricature : doit-on rire ou se fâcher », avec « démonstrations », c’est à dire des dessins en direct. Au mois de juin, il réjouit le public du Club avec une série de dessins « improvisés » en vue de présenter son ouvrage récent composé de caricatures et intitulé « Types du faubourg ». Le recueil comprend 31 pages, la plupart juxtaposant plusieurs portraits de personnalités. Seul.es 8 habitué.es du Club ont droit à une « caricature » pleine page, avec dans l’ordre d’apparition Léo Poldès, Madeleine Pelletier, Cécile Sorel, Francis de Croisset, le R. P. Mangold, Charles Sencerme, Jacques Reboul, Alexandre Zévaès. André Kaminker, l'autre « omniprésent » du Faubourg, doit se contenter d’un quart de page.

Bils figure Madeleine Pelletier en quelques traits, debout devant un coin de table sur lequel l'habituelle pendule sanctionne les bavard.es (qu'on retrouve sur d'autres croquis). L'oratrice y est coiffée d'un chapeau qui masque totalement sa chevelure, et vêtue d’un grand manteau. Elle s'adresse au public qu’on imagine sur la gauche, en hors-champ. Bils détaille peu le visage (contrairement à d'autres orateurices), tout en affublant Madeleine Pelletier d’un menton prognathe et d'un petit nez pointu en trompette. Le dessinateur a bien plus travaillé son croquis de Cécile Sorel, trouvant dans l’apparence physique de la comédienne (chapeau, coiffure, maquillage, bijoux, vêtements, gestuelle), de quoi nourrir sa virtuosité graphique. Une « matière » totalement absente chez Madeleine Pelletier…

L’apparence de la doctoresse tranche avec les photos que nous lui connaissons, datant d’avant la Grande Guerre, publiées dans la presse ou non. Elle y apparaît systématiquement les cheveux courts et la tête découverte, sauf lors des funérailles de Louise Michel (1905), sur une photo probablement non publiée (1912, Agence Rol) et dans une manifestation suffragiste, où elle arbore un chapeau (1914). On peut éventuellement en déduire que, dans l’espace public, Madeleine Pelletier sacrifiait à l’usage (l’injonction) qui contraignait les femmes à se couvrir la tête.

En 1935, Madeleine est traduite en justice pour une de ses interventions au Club du Faubourg. Elle y évoque la « dévirginisation », sujet qu'une affiche annonçant l'événement résume en deux questions lapidaires : « la nuit de noces est-elle un viol légal ? La jeune fille doit-elle être dévirginisée scientifiquement avant le mariage ? ». Elle connaît une nouvelle confrontation judiciaire l’année suivante avec son livre La Rationalisation sexuelle. Enfin, sur dénonciation, elle est accusée en 1939 d’avoir aidé une jeune mineure violée par son frère, à avorter. Madeleine Pelletier est alors condamnée et internée en asile d’aliéné.es où elle meurt quelques mois plus tard.

samedi 1 mars 2025

Madeleine Pelletier dans Le Rictus (1907-1908), une féministe intégrale caricaturée


Au 19e siècle, la caricature n’est pas tendre envers les féministes tout en s’avérant incapable de penser le patriarcat et ses effets sur la société. La profession, dominée par les hommes, se montre pour ainsi dire insensible aux revendications suffragistes, à la question des droits politiques et sociaux des femmes. Daumier illustre parfaitement ce point de vue avec, entre 1848 et 1851, nombre de charges contre les « Divorceuses » et autres femmes féministes. Hystériques, alcooliques, dépravées, par leurs prétentions, elles risqueraient de détruire la famille et la société.

À la Belle Époque, la situation n’est pas bien meilleure pour les féministes. Si les photographies commencent à remplacer, dans la presse quotidienne et hebdomadaire d’information, les illustrations dessinées visant à informer le lectorat des engagements de ces femmes en colère, la caricature – qui connaît alors son âge d’or – poursuit son dénigrement systématique, comme on peut le voir dans divers numéros de L’Assiette au beurre notamment.

On doit parler autant de dénigrement que d’invisibilisation, car les femmes – hormis quand elles sont déshabillées ou l’objet de plaisanteries plus ou moins salaces – intéressent finalement assez peu les médias, et a fortiori la presse satirique. Il faut avoir à l’esprit que cette petite presse à caricatures visait un public masculin.

Madeleine Pelletier (1874-1939) n’échappe pas à cet entre-deux : on connaît d’elle un nombre réduit de dessins satiriques. Quatre avant 1914, trois après la Grande Guerre jusqu’à sa mort en 1939, et une plus récente publiée par Charlie Hebdo, témoignage du regain d’intérêt pour la féministe.

La première caricature évoque un événement précis : comme le rapporte la presse, le 21 décembre 1906, une soixantaine de femmes féministes se rend à la Chambre des députés en vue de rencontrer divers élus socialistes, dont Jaurès. Dans le groupe, on retrouve Caroline Kauffmann et Madeleine Pelletier qui dirigent le mouvement "La Solidarité des femmes" ; Ernestine Vautier, membre du Comité exécutif de la Ligue pour le droit des Femmes ; ou encore Anna Blondelu, ouvrière et secrétaire du syndicat des fleuristes et plumassières, membre du Conseil supérieur du Travail.

Dans les mois qui suivent, Le Rictus, périodique qui publie des biographies de médecins et de « professeurs », illustre celle de « Mme le Docteur Madeleine Pelletier », avec un dessin évoquant cette irruption du féminisme à la Chambre. On y voit la doctoresse faisant face au premier plan à l’imposant Jaurès. Derrière Madeleine, le dessinateur E. Marin a campé un groupe nombreux de femmes féministes toutes chapeautées. Si Madeleine Pelletier porte une grande pancarte qui l'identifie à "La Solidarité des femmes", derrière elle, les femmes arborent elles aussi des calicots sur lesquels on peut lire « La Femme doit voter », et également « Femmes de tous les pays, unissez-vous pour la conquête de vos droits ». Aucun décor ne permet d’identifier le Palais Bourbon.

Cette caricature est d’autant plus remarquable, que Le Rictus, en 4 années d’existence (1905-1908) n’a publié que deux biographies de femmes médecins, celles de Madeleine et de Adélaïde Blanche Edwards-Pilliet.

Contrairement aux autres caricatures visant la féministe, celle-là n’accentue pas le trait. Marin attribue à la doctoresse une taille fine et un visage plutôt sympathique, bien que la bouche soit tombante. Cheveux courts, chapeau, veste cintrée esquissant sa poitrine, jupe sans motif. On reconnaît sans peine la photo dont a pu s'inspirer le dessinateur pour le portrait de Madeleine Pelletier, paru en "Une" du Petit journal du 10 août 1907. Il s’agit d’une photographie de Henri Manuel, conservée par la Bibliothèque Marguerite Durand. Madeleine Pelletier y regarde vers la droite, cheveux courts, la veste entrouverte. Marin l’affuble d’un chapeau, comme aux autres femmes présentes. Quant au slogan « Femmes de tous les pays... », il renvoie à une autre photographie diffusée en juin 1907 sur laquelle Madeleine Pelletier est présente.

Le dessinateur charge les féministes en arrière-plan, surtout celles sur la gauche, dont les visages masculinisés et le corps filiformes renvoient aux stéréotypes antiféministes diffusés par la presse satirique d’alors.

Cette représentation sympathique de Madeleine Pelletier fait écho à la biographie qui l’accompagne. L’auteur(ice?), qui se trompe sur son année de naissance (1875) évoque sa formation scolaire et médicale, sa thèse « très brillante », mais également ses engagements féministes. Le texte propose une étonnante conclusion, en imaginant Madeleine Pelletier « conduisant le char de l’État, tout aussi bien, et peut être mieux qu'antérieurement »…

Revenons au dessin. La légende fait dire à Madeleine Pelletier : « Citoyen Jaurès, voici des Électeurs ». Il s’agit évidemment de faire sourire par ce jeu paradoxal sur le genre du mot et des femmes qui accompagnent « le docteur Pelletier ». Comme souvent dans la caricature antiféministe, l’ambiguïté de genre est soulignée, et parfois même questionnée dans les articles de la grande presse, surtout s’agissant de Madeleine Pelletier. Dès 1906, la féministe a intégré la SFIO et milite ardemment pour que le parti fasse triompher une loi en faveur du droit de vote et d’éligibilité des femmes. Elle sera mandatée dans divers Congrès, dont celui de Limoges (1-4 novembre 1906) dans cette optique, obtenant du parti des engagements qui ne seront pas spécifiquement suivis d’effet.

Notons – autre fait marquant le caractère exceptionnel de cette caricature -, que dans la plupart des dessins publiés par Le Rictus, les médecins sont présentés systématiquement dans leur activité professionnelle, c’est-à-dire dans l’univers médical. Madeleine Pelletier échappe à cette logique, montrée comme une militante politique, faisant irruption sur la scène publique et politique avec d’autres femmes pour modifier le rapport de force. C’est d’ailleurs uniquement sous cet angle que les autres caricatures avant-guerre s’intéresseront au docteur Pelletier…

Dans l’article ci-dessous (L’Humanité, 22 décembre 1906), Madeleine Pelletier évoque cette intervention à la Chambre des Députés en décembre 1906.

LES FEMMES S'AGITENT ET VEULENT VOTER

Neuf heures du matin ; de longues aiguilles de glace pendent aux bras des sirènes de la place de la Concorde. Bravant les rigueurs de la saison, des groupes de femmes se hâtent vers la Chambre. Ce sont les suffragettes de Paris qui, émules de leurs sœurs de Londres, viennent dire aux élus du Parti qu'elles veulent voter et que pour l'obtention de ce droit, elles mettent en eux leurs espérances.

Mais à l'entrée du Palais-Bourbon, un monsieur vaguement décoré s'oppose. Il n'a pas d'ordres pour laisser pénétrer ; il sait seulement qu'une troupe de plusieurs milliers de femmes devait se former à la place de la Concorde pour marcher en rangs serrés à l'assaut de la Chambre, afin d'y venir, par un nouveau 18 Brumaire, prendre la place des élus du peuple français. Naturellement, M. Lépine a veillé ; témoins, les nombreux agents pédestres et cyclistes qui sillonnent les abords ; aussi nous conseille-t-il de… circuler et d'être bien gentilles, si non, on nous montrera que nous avons encore beaucoup à faire avant de pouvoir riposter avec succès aux poings du sexe fort. Mais, dix heures sonnent ; cent cinquante femmes arpentent le trottoir ; ouvrières, jeunes étudiantes en droit et en médecine, commerçantes et aussi des femmes plus âgées, vétérans du féminisme, qui se demandent si, enfin, l'ère de justice va s'ouvrir. Une vingtaine de journalistes sont alignés, le kodak en arrêt ; l'un d'eux, imberbe encore, se détache et nous aborde goguenard. Drôle d'idée, mesdames, de tenir autant à voter, moi j'en ai le droit, eh bien, je ne vote jamais.

— Vous ne votez pas, c'est fort possible, mon jeune ami, riposte Kauffmann, mais vous n'en jouissez pas moins de tous les avantages des électeurs.

Enfin, on s'explique. Ces dames n'ont aucune intention hostile ; elles sont déléguées par le groupe féministe « la Solidarité des Femmes », pour venir rappeler au groupe parlementaire socialiste les décisions que le Congrès de Limoges a prises relativement à leurs revendications, et les élus socialistes ont promis de les recevoir.

Beaucoup, craignant de ne pas entrer et toutes transies de leurs deux heures d'attente par une température de plusieurs degrés au-dessous de zéro, s'en sont allées. Les soixante à soixante-dix qui restent sont introduites dans la salle des séances du groupe parlementaire et là, commodément assises devant la table en fer à cheval, elles peuvent se croire aux jours lointains encore, hélas ! où, à côté des hommes, elles viendront prendre part à la direction des affaires de leur pays.

Très aimablement, le citoyen Carlier, qui préside, donne la parole à la citoyenne docteur Madeleine Pelletier, présidente du groupe. Elle rappelle les décisions du Congrès de Limoges, ten-dant à ce que les élus du Parti présentent cette année à la Chambre un projet de loi sur le vote des femmes. Il ne faut pas que le Parti socialiste se laisse devancer à cet égard par les partis bourgeois et perde le bénéfice des idées qu'il a toujours pro-fessées sur l'égalité des sexes.

D'ailleurs, le vote des femmes lui sera d'un grand bénéfice il constituera pour le sexe tout entier le plus puissant moyen d'éducation et, éclairées sur leurs véritables intérêts, les ouvrières, une fois électeurs, viendront en masse au parti de leur classe.

La citoyenne Kauffmann déclare que la femme qui a comme l'homme, un cerveau pour penser, ne doit pas être confinée dans des occupations de servante ; elle a droit à l'action et à la vie publique.

Le citoyen Jaurès1 assure la délégation que le nécessaire sera fait et dans un avenir, très rapproché.

Il est temps, en effet, de réaliser le vote des femmes et le Parti socialiste n'y faudra pas. Le péril clérical si souvent invoqué contre la réforme, est illusoire, et l'indifférence qui accueille à l'heure présente la défaite irrémédiable de l'Église en est une preuve éclatante.

Fanatisées, ainsi qu'on l'assure, les femmes eussent suffi à provoquer dans le pays une agitation violente ; et elle ne s'est pas produite.

Les citoyens Betoulle, Delory, Carlier, Dejeante, Vaillant, Willm et Dubreuilh assurent ensuite à l'assemblée qu’elle peut compter sur eux. Mmes Blendelu, Baudin, d'Oranoskaia, Soup, Vauthier et plusieurs autres exposent avec précision et force les revendications des femmes et la délégation prend congé à 11 heures et demie.

 Le féminisme n'est plus isolé ; il a un appui dans le Parti socialiste.

Dr Madeleine Pelletier

vendredi 28 février 2025

Photos de Madeleine Pelletier parues dans la presse

On connaît peu de photos de Madeleine Pelletier. Certaines - au nombre de 5 - sont très visibles et souvent reproduites car mises en ligne depuis longtemps par d'anciennes agences photo ou les détenteurs de leurs fonds comme la BNF par exemple, ou encore Roger-Viollet. 

En existe-t-il d'autres ? Nous répondons oui ! En explorant la presse, nous avons repéré 23 photos, dont 12 différentes. La première date de 1905, la dernière de 1914. Il s'agit le plus souvent de portraits posés, recadrés pour certains au niveau du seul visage. Quelques photos présentent Madeleine Pelletier dans des groupes nombreux : salles de Congrès ou de réunions publiques, ou encore manifestation. Dans aucune de ces photos elle ne semble porter de pantalon. Elle arbore systématiquement la tête nue et les cheveux courts, sauf dans deux photos de 1914 où un chapeau et un foulard masquent sa chevelure et encadrent son visage.

Quasi 50% des photos sont parues en 1910, année électorale intense pour Madeleine Pelletier qui est alors candidate à Paris pour la SFIO dans le cadre de l'élection législative d'avril-mai.  


jeudi 27 février 2025

Conférences données par Madeleine Pelletier, année 1905

En 1905, selon nos explorations, Madeleine Pelletier a donné 13 conférences sur 5 thèmes différents. La première conférence date du mois d’août. Le « Docteur Madeleine Pelletier » (c’est probablement elle qui fait le choix d’une telle dénomination) intervient dans des salles aux titres évocateurs du milieu mutuelliste de la fin du 19e siècle, dans les Universités populaires qui se multiplient dans les années 1890, et également dans une Maison du Peuple. Elle aborde des thèmes généraux liés à sa formation scientifique. À signaler qu'aucune conférence n'est spécifiquement féministe, hormis très probablement celle sur le philosophe anglais Stuart-Mill. C’est principalement la presse de gauche qui relaie le programme des conférences de MP, mêlées à beaucoup d’autres.

L’Aurore 2 août 1905 : « UP du quatorzième, 13 rue de la Sablière Mme Madeleine Pelletier : Les criminels sont-ils des dégénérées ? »

La Nouvelle Presse, 7 octobre 1905 : "Éducation Mutuelle, Choisy-le-Roi, 50 rue Chevreul. Docteur Madeleine Pelletier : Individu et Société". (Annoncé également par Le Libertaire du 9 octobre 1905)

La Petite République 28 octobre 1905, "Émancipation 15e, 38 Rue de l’Église. Docteur Madeleine Pelletier ; Individu et Société".

L'Aurore, 2 novembre 1905 : "La Solidarité, 77 avenue d'Italie. Mme le docteur Madeleine Pelletier : La Lutte des classes ».

La Nouvelle Presse, 8 novembre 1905, "La Fraternelle, 45, rue de Saintonge. Dr Madeleine Pelletier : Stuart-Mill."

L'Aurore, 9 novembre 1905, "La Maison du Peuple, 28 rue Charlemagne. M. le docteur Madeleine Pelletier : Les criminels sont-ils des dégénérés ?"

La Nouvelle presse, 15 novembre 1905 : "Foyer du Peuple, 8, place Boulnois. Docteur Madeleine Pelletier : La Lutte des classes"

L'Aurore, 30 novembre 1905, "U. P. Zola, 44, rue Planchat, 44. M. le docteur Madeleine Pelletier ; La lutte des classes."

L'Humanité, 2 décembre 1905, "U. P. du 10e, 103, quai Valmy. Docteur Madeleine Pelletier : L'hypothèse Dieu". (La Nouvelle presse du 2 décembre : "L'hypothèse sans Dieu"

Nouvelle presse, 9 décembre 1905 : "Émancipation, 38, rue de l’Église. Docteur Madeleine Pelletier : La prétendue dégénérescence des hommes de génie".

L'humanité, 23 décembre 1905, "La Solidarité, 77, avenue d'Italie. Docteur Madeleine Pelletier : Les criminels sont-ils des dégénérés ?"

La Petite République 28 décembre 1905, "Science et travail, Saint-Ouen, mairie. Docteur Madeleine Pelletier ; La prétendue dégénérescence des hommes de génie".

Madeleine Pelletier, "la" photo

 


On connaît une vingtaine de photos de Madeleine Pelletier, présentées en partie dans l'exposition "Madeleine Pelletier féministe, l'émancipation intégrale". Une photo intrigue plus que tout autre : elle y pose vêtue d'un pantalon et coiffée d'un chapeau melon, une canne à la main. Si Madeleine affirmait par son expression de genre masculine son refus du patriarcat et de la soumission sexuelle des femmes, une seule photographie la montre en pantalon. Sur toutes les autres, on la voit les cheveux courts, en général un veston sombre serré et une jupe également de teinte sombre. 

Alors, cette photo exceptionnelle ? Autre énigme, malgré nos recherches, impossible de dire si elle a été publiée dans un journal ou un livre du vivant du "docteur Pelletier". Quelle réalité traduit cette image ? S'agit-il d'un jeu, d'une bravade ou d'une tenue vestimentaire avec laquelle Madeleine investissait les lieux de sociabilité politiques et militants dans lesquels elle avait l'habitude d'évoluer ? 

Et d'ailleurs, elle ou il ? Difficile de genrer Madeleine, qui se présentait aussi bien comme le "docteur Pelletier", que comme la "doctoresse". Quelques articles de presse parus dans les années 1940, c'est à dire après la mort de madeleine (1939), évoquent son habitude de porter des pantalons. Peut-on faire confiance à ces souvenirs parus dans des journaux dont on sait le goût pour l'imaginaire ? Comment expliquer cette association de Madeleine avec le pantalon alors qu'une seule photo d'elle la présente, en 1912, c'est à dire plus de trente ans avant ces commentaires posthumes, tandis que cette photo n'a peut-être pas été diffusée ? 

Un article de 1911 apporte une certitude. Les 18, 19, 20 et 21 février 1912, la SFIO organise son congrès à Lyon. Comme le rapporte le quotidien catholique La Croix du 20 février, Madeleine Pelletier y participe : "Une seule femme investie d'un mandat assiste au Congrès, c'est la citoyenne Pelletier. Elle a abandonné les vêtements féminins pour le pantalon et le veston, à côté d'elle, sur la table, un chapeau melon tout neuf…".

Pantalon, chapeau melon, il ne manque plus que la canne pour évoquer parfaitement la photographie de l'agence Rol, datée de 1912. Qu'en conclure ? Que Madeleine Pelletier a porté le pantalon et le chapeau haut de forme probablement sur un temps très court. On imagine la difficulté avec laquelle elle a dû faire face au rejet, aux pressions, à la stigmatisation à propos de son expression de genre, considérée comme inappropriée par tous les milieux dans lesquels elle a évolué, et notamment la SFIO.

Une photo qui reste bien énigmatique...

Mémoires d'une féministe intégrale, par Christine Bard


On lira avec émotion, enthousiasme et compassion les « Mémoires d’une féministe intégrale », recueil de trois textes présentés par l'universitaire Christine Bard. Féministe radicale de la Belle Époque aux années 1930, Madeleine Pelletier n’a pas formellement rédigé de « Mémoires » mais s’est à deux reprises laissée aller à l’écriture de journaux ou de textes autobiographiques et, à la fin de sa vie, a livré sa jeunesse à Hélène Brion, autre féministe radicale condamnée pendant la Grande Guerre à trois ans de prison avec sursis pour pacifisme. 

Ces trois textes permettent de suivre Madeleine dans sa jeunesse, mais aussi aux premiers mois de la Première Guerre Mondiale. D’autres éléments permettent de questionner sa vie et ses engagements, comme par exemple son roman autobiographie La Femme vierge, ou encore le livre dans lequel elle raconte son incroyable périple pour rejoindre la Russie soviétique en 1921.

Née dans un milieu pauvre parisien, mère royaliste et bigote, père rapidement handicapé et aimant, Madeleine Pelletier s’engage dès l’adolescence dans la mouvance anarchiste parisienne, tout en concevant une haine farouche contre les inégalités de genre de son temps. A rebours de nombre d’autres féministes, elle considère le vêtement féminin comme un instrument d’oppression des femmes, s’habillant « en homme » et arborant des cheveux courts vingt ans avant la mode des garçonnes. Au grand dam des milieux politiques dans lesquels elle a gravité toute sa vie !

Au fil de la lecture de cet ouvrage présenté et annoté par Christine Bard, Madeleine est radicale aussi bien politiquement que socialement : favorable au droit à l’avortement, au droit de vote (candidate illégale elle-même), elle se forme auprès d’anarchistes après avoir quitté l’école prématurément, reprend des études pour s’orienter vers la médecine, devient la première femme interne en psychiatrie, intègre la franc-maçonnerie, entre et milite à la SFIO étant un moment proche du radical Gustave Hervé, se récrie contre la folie nationaliste entraînée par la Guerre, mais sans pour autant alors militer ouvertement pour les idées pacifistes. On la retrouve au sortir du conflit adhérant au communisme, au point de risquer sa vie pour aller voir, clandestinement, les effets de la révolution bolchevique, périple qu’elle raconte dans Mon voyage aventureux en Russie communiste (1922). Madeleine organise, publie des ouvrages, des brochures, des petits journaux, dirige un moment un cercle féministe, se désole du manque de radicalité et d’engagement des femmes autour d’elle… Mettant en pratique son vœu d’un droit à l’avortement, elle aide une mineure violée par son frère à avorter. Lui n’est pas inquiété, Madeleine et la jeune fille sont condamnées…  Madeleine Pelletier meurt peu de temps après avoir été internée en asile d’aliénée, conséquence de sa condamnation, achevant une vie d’incroyables engagements à rebours des idées dominantes, une vie souvent faite de grande solitude.

Grâce à la présentation et la contextualisation des trois textes autobiographiques réunis dans ces « Mémoires d’une féministe intégrale », on découvre une Madeleine courageuse, déterminée, confrontée aux violences du patriarcat, mais faisant face et cherchant sans compromis la voie de la liberté.

Ces Mémoires constituent une belle introduction, avant de lire les ouvrages de cette féministe intégrale et de découvrir d’autres aspects de son cheminement et de ses engagements divers et parfois contradictoires. Une féministe radicale et très en avance sur son temps à découvrir ou à redécouvrir absolument !

Un recueil sur Madeleine Pelletier : une féministe intégrale au risque de la presse


L'association lgbt+ et féministe Fie.es et queer a publié un recueil de 150 pages d'articles sur et de Madeleine Pelletier. 
Présentation : 

C’est un recueil d’articles de journaux que nous vous présentons ici. Des articles de et sur Madeleine Pelletier (1874-1939), publiés entre la fin du 19e siècle et l’année 1940, le dernier entrefilet relatant la mort de cette militante aux nombreux engagements.

Issue d’un milieu pauvre et après avoir quitté l’école à 12-13 ans, dans le Paris de la fin du 19e siècle, Madeleine Pelletier reprend des études, passe son bac, puis brillamment son doctorat de médecine. Elle doit mener campagne pour s’inscrire à l’Internat en psychiatrie, car le règlement en interdit l’accès aux femmes !

Féministe « intégrale », intellectuelle, suffragiste, elle s’engage sur tous les fronts : au sein de la franc-maçonnerie pour que se multiplient les loges mixtes, au sein de la SFIO de Jaurès, prônant un socialisme radical, au Parti Communiste après la Grande Guerre, dans les milieux anarchistes... 

Et à chaque fois ce même devoir de questionner la domination masculine. Avec soixante-dix ans d’avance, Madeleine Pelletier déconstruit les stéréotypes de genre, assène ses coups à la masculinité hégémonique, milite avant les autres pour le droit à l’avortement, pour l’amour libre et l’égalité des sexes, pour la liberté des femmes à disposer de leur corps. 

Une infatigable activiste d’avant-garde à redécouvrir !

Pour acheter le livre...

150 pages, illustrations, 10 euros.

Madeleine Pelletier féministe, exposition itinérante

Féministe, proche des milieux anarchistes et franc-maçonne, socialiste (SFIO) avant 1914 puis communiste après guerre, Madeleine Pelletier milite pour « l’émancipation intégrale » : émancipation sociale, politique (droit de vote) et morale. Docteure en médecine bien que femme née dans un milieu pauvre, en avance sur son temps, elle défend dès 1909 le droit à l’avortement, le droit des femmes à disposer de leur corps, à une sexualité libre ou encore à une éducation non genrée. Conférencière infatigable, autrice d'innombrables articles, de brochures, de romans et d'essais, elle a fondé le journal La Suffragiste. Dès le début du 20e siècle, elle fait de la contestation des normes de genre, de la binarité et de la sexualité, des leviers révolutionnaires pour contester le patriarcat. Un féminisme d’une incroyable modernité.

Exposition en 18 panneaux à imprimer par vos soins au format A2, A1,... Format Kakemono sur demande. Redevance pour Mairies, Centres sociaux/culturels, Universités, Médiathèques : 300 euros ttc. Collèges et Lycées : format A3, 75 euros ; formats supérieurs, 150 euros.

Possibilité de conférence sur le sujet de l'exposition : "Madeleine Pelletier, une féministe intégrale"

Pour voir l'intégralité de l'exposition cliquez ici...